Les Contes Drolatiques et leurs illustrateurs
Le mot de la présidente
Chers amis,
Les Contes drolatiques ont peu de lecteurs. La langue pseudo-médiévale et les intrigues qui varient à l’infini sur le trio du vaudeville le mari, la femme et l’amant, comme un logiciel de Hollywood, les font passer pour un divertissement indigne du grand romancier qu’est déjà Balzac au début des années 1830. Laure de Berny le gronde, George Sand raconte qu’elle l’a traité de « gros indécent » quand il a voulu lui en lire et qu’il l’a traitée de « prude » et de « bête » (Histoire de ma vie) ; Zulma Carraud, à qui il rend hommage en donnant son prénom à l’héroïne du Succube, lui a fourni une anecdote pour un des Contes, approuve « l’esprit gracieux et chaste » du Péché véniel, mais pas Berthe la repentie (Cor. Garnier, t. II, p. 464). Son amicale compréhension a des limites.
Pourtant Balzac tient en haute estime ces Contes, qu’il met au même rang que les Contes philosophiques. Il les écrit, certes, « par délassement » (Cor. t. II, p. 106), mais aime à y exercer sa « puissance caméléonesque » (Cor. t. II, p. 725) dont il est fier. Les contraintes qu’il s’est données annoncent celles de l’Oulipo et le stimulent autant que celles que s’imposera Georges Perec. Satisfait du résultat, il demande à l’éditeur Charles Gosselin en janvier 1833 d’« annoncer les drolatiques avec Louis Lambert et plus tard réannoncer Louis Lambert avec les drolatiques » (Cor., t. II, p. 232). Pas de majuscule à ce titre, devenu nom de genre.
Il n’existe pas d’édition de poche ou classique des Contes drolatiques. En dehors de la remarquable édition de La Pléiade (N. Mozet et R. Chollet), ils ont toujours fait l’objet d’éditions de luxe illustrées pour faciliter la tâche et aiguiser la curiosité des lecteurs par la paillardise des dessins. Nous avons donc voulu, dans ce numéro double, éditer sans appareil critique, juste pour le plaisir, un échantillonnage significatif de cette œuvre, dont l’obscurité – qui dissimule à la fois la grivoiserie et les allusions occultes – a inspiré de nombreux illustrateurs, parmi lesquels Hervé Plagnol a fait une judicieuse sélection. De Gustave Doré à Dubout et aux frères Brizzi, la créativité et la beauté de ces illustrations vous permettront d’apprécier la richesse d’une écriture qui défie les lois de la bienséance littéraire, esthétique et morale pour inventer un genre à part entière, auquel ces artistes rendent un hommage éclatant.
Amusez-vous bien !
Anne-Marie Baron
Sommaire n° 58-59
- Le mot de la présidente, par Anne-Marie Baron, p. 2
LES CONTES DROLATIQUES ET LEURS ILLUSTRATEURS
- Relire Les Contes drolatiques, par Anne-Marie Baron, p. 5
- Un texte qui a inspiré de grands illustrateurs, par Hervé Plagnol, p. 9
- Théorie du conte, par Honoré de Balzac, p. 11
- Prologue du premier dixain, par Honoré de Balzac, p. 15
- L’Apostrophe (premier dixain), p. 19
- La Chière nuictée d’amour (deuxième dixain), p. 35
- Le Prosne du ioyeulx curé de Meudon (deuxième dixain), p. 49
- Sur le moyne Amador qui feut un glorieux abbé de Turpenay (troisième dixain), p. 69
- Comment la belle fille de Portillon quinaulda son juge (troisième dixain), p. 91
- Portfolio d’illustrations, pages 17, 30-31, 44-45, 66-67, 82-83. Merci à la Maison de Balzac qui nous a permis de réaliser un grand nombre de photographies d’illustrations.
- Couverture : illustration de Jean de Boschère relative au Jeusne de François premier pour une édition américaine. Ed. Covici, Friede, Publishers, New York, 1929. (DR).
Ont participé à ce numéro : Anne-Marie Baron, Hervé Plagnol – Couverture : Jean de Boschère
Dépôt légal 2005. ISSN 0249-6844. N° de Commission paritaire : 1223G91218 — Impr. Dupliprint, 2 rue Descartes ZI Sezac 95330 Domont