L’événement Illusions Perdues
Le mot de la présidente
Voici un numéro exceptionnel, que nous devions bien à un événement exceptionnel. Le film de Xavier Giannoli Illusions perdues, sorti en France cet automne, va en effet faire date parmi les grandes « adaptations » de La Comédie humaine. L’inventivité de ses idées de mise en scène respecte l’esprit de Balzac, tout en exprimant ses propres choix politiques, ses émotions d’étudiant, son expérience de journaliste, autant de souvenirs vécus qui en font une œuvre personnelle et actuelle. Nourri de Balzac, Xavier Giannoli l’a adopté, s’est mis à son service sans la moindre servilité, et l’a admirablement servi. Ce numéro revient sur les adaptations précédentes du roman par Maurice Cazeneuve (1966) et Marcel Carné (1945) pour mettre en évidence l’originalité de celle-ci.
La seconde partie, consacrée aux « filles d’Ève », complète utilement la première par une enquête sur cette expression récurrente qui appuie le retour des personnages – théorisé dans la préface de la nouvelle qui porte ce titre (1839) – en servant de lien supplémentaire entre différents récits de La Comédie humaine et en particulier avec la seconde partie d’Illusions perdues, que Balzac prépare alors, dressant le cadre parisien et les figurants de son action. On y retrouve un Raoul Nathan bien différent de l’ami de Lucien de Rubempré et les noms ajoutés sur les épreuves de la nouvelle nous font suivre l’enrichissement du grand roman. L’article de Muguette Alleaume analyse finement les personnages de jeunes femmes chez Balzac et Flaubert en remarquant que les fils d’Ève, curieux et impatients, n’y sont pas moins présents, comme le montre la continuité entre Lucien Chardon et le Frédéric Moreau de L’Éducation sentimentale. Enfin, Lucette Besson, en racontant le choc reçu par Flaubert à la lecture de Louis Lambert, ajoute à cette galerie de jeunes gens le personnage manquant, mythique, évoqué avec émotion par les membres du Cénacle. Son histoire, restée hors- champ dans Illusions perdues, occupera deux textes centraux : Louis Lambert et Un drame au bord de la mer. Relisez Illusions perdues et les romans qui gravitent autour de cette « œuvre capitale dans l’œuvre », allez voir le film, pour méditer encore sur l’incroyable mosaïque de La Comédie humaine.
Anne-Marie Baron
Sommaire n° 56
- Le mot de la présidente, par Anne-Marie Baron, p. 2
L’ÉVÉNEMENT ILLUSIONS PERDUES
- Note d’intentions, par Xavier Giannoli, p. 5
- Un film à la hauteur du roman, par Anne-Marie Baron, p. 15
- Illusions perdues 1966, entre adaptation et création, par Hervé Plagnol 20
- Les Enfants du paradis (1945), ou Marcel Carné à l’école de Balzac, par Anne-Marie Baron, 23
FILS ET FILLES D’ÈVE, DE BALZAC À FLAUBERT
- À propos d’Une fille d’Ève : origines d’un titre, titre des origines, par Anne-Marie Baron, p. 27
- Filles d’Ève chez Balzac et Flaubert : cadre social et cercle de l’intime, par Muguette Alleaume, p. 32
- Flaubert, lecteur de Louis Lambert, par Lucette Besson, p. 53
IN MEMORIAM
- Philippe Havard de la Montagne, par Anne-Marie Baron, p. 58
Illustration de couverture : Affiche du film Illusions perdues, de Xavier Giannoli
Ont participé à ce numéro : Xavier Giannoli, Anne-Marie Baron, Hervé Plagnol, Muguette Alleaume, Lucette Besson.
Dépôt légal 2005. ISSN 0249-6844. N° de Commission paritaire : 1223G91218 Impr. Bialec SAS — Zone Activités Heillecourt Est 54183 HEILLECOURT CEDEX